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Journées des Savoirs Engagés et Reliés (JESER) 2 - Focus sur la première journée, jeudi 10 octobre 2024

Chapeau La deuxième édition des Journées des Savoirs Engagés et Reliés à Lyon a eu lieu du 10 au 12 octobre 2024. L’objectif de ces journées est de rassembler des chercheur.euses et des membres d’association pour réfléchir tous ensemble à des moyens d’utiliser les savoirs pour le bien commun, pour une transition écologique et solidaire. L’évènement est organisé par le collectif Mouvement pour des Savoirs Engagés et Reliés (MSER). Il sert à faire connaître le collectif, mais surtout à initier de nouvelles actions.
Description La première journée a commencé par une phase de présentation des différentes structures organisatrices autour d’un café. Les participant.es ont été invité.es à créer des animations en amont de l'événement. Chacun.e pouvait donc proposer un atelier ou participer. Les thèmes proposés ont été particulièrement variés : semences paysannes, pauvreté, mixité des étudiants, intelligence artificielle, tiers-lieux de recherche,… La MADRE a intégré l’atelier “TRANS”, mélange des groupes d'étudiant.es et d’apprenant.es pour penser la transition, proposé par Christelle Didier.

Atelier TRANS

L’atelier a commencé par un tour de table, mettant en avant la présence de jeunes ingénieur.es et d’enseignant.es particulièrement concerné.es par le sujet. Les premières réflexions concernaient la façon dont deux groupes d’étudiant.es qui apprennent des matières éloignées peuvent se rapprocher et échanger. Dans l’une des expériences professionnelles d’une membre du groupe, ce sont des étudiant.es souhaitant devenir professeur.e des écoles et des élèves en école d’ingénieur qui ont dû travailler ensemble sur un sujet. Il s’est avéré que dans un premier temps, les futur.es professeur.es se sentaient moins légitimes que leurs collègues et proposaient donc moins d'idées pour répondre à un sujet donné. Suite aux débats, plusieurs solutions sont ressorties : il faut favoriser le travail dans un lieu neutre, donner la possibilité à toutes les parties de se mettre en avant avec des sujets plus adaptés et enfin sensibiliser les jeunes sur la non-hiérarchie des compétences et connaissances.

Le groupe de travail aurait aussi aimé inclure dans les “apprenant.es” des personnes autres que les étudiant.es. La question du personnel administratif a été soulevée tout comme celle du personnel de ménage. Dans le premier cas, des formations peuvent être proposées selon les disponibilités alors que le personnel de ménage manque de temps et refuse systématiquement malgré une envie apparente de développer de nouvelles connaissances. Il a donc été suggéré de réfléchir à une solution pour faire participer le personnel à des groupes de travail composés d’étudiant.es, aucune réponse n’a pu être apportée lors de l’échange.

En conclusion de cet atelier, il est ressorti comme important de mélanger les jeunes issus de différents domaines pour développer des idées neuves dans un contexte de transition. Il faut déconstruire les préjugés et penser à une éducation plus ouverte et diversifiée.

Première table ronde : Le rôle des sciences modernes dans l’effondrement - Sciences, dominations et capitalisme (Partie I)

Christine Buisson (Sud Recherche), Virginie Maris (CEFE, CNRS) et Henrik Davi (député) ont pris place ensemble autour de la première table ronde.

Henrik Davi a ouvert le débat en posant 5 thèses sur le sujet science, domination et capitalisme:
  • On ne peut pas résoudre la crise écologique sans répondre à la crise sociale (productivisme et extractivisme) ;
  • La science est historiquement complice et compagne de route de l’évolution du capitalisme (lien science et guerre, colonisation) ;
  • Le savoir scientifique peut être un outil d’émancipation (preuve que le tabac tue) ;
  • Bien que la science peut être utile, elle ne peut pas tout (besoin de faire des tests, les échecs scientifiques) ;
  • Il faut changer nos modes de fonctionnement de la science pour dépasser nos systèmes de productivisme (rendre de la liberté aux académicien.nes).

Christine Buisson a pris la parole en désacralisant le monde scientifique qui n’est pas objectif et rempli de dominations (racisme, sexisme, validisme, homophobie, …). Elle rappelle que ces dominations soumettent une partie de la population a une hiérarchie indésirable pouvant aller jusqu’à des dénigrements. De plus, le monde de la recherche prône le culte de l’excellence. Finalement, le processus de production scientifique est un processus de sélection (les différents prix, les financements acceptés ou non, …). Soutenue par Henrik Davi, elle termine son discours en mettant en avant l’importance des syndicats qui permettent de comprendre et de lutter face aux oppressions.

Enfin, Virginie Maris a évoqué la nécessité d'une autocritique de la science face aux crises écologiques, en s'inspirant de l'écoféministe Val Plumwood. Elle a souligné que la rationalité scientifique, bien qu'essentielle, est marquée par une tradition dualiste (pensée-matière, société-nature, raison-sensibilité) qui justifie des dominations en créant des séparations rigides. Ce rationalisme, valorisant une objectivité « neutre », mais illusoire, renforce les structures du pouvoir capitaliste. Elle appelle donc à une science libérée de ces dualismes, pour transformer les institutions de l'intérieur et s'ancrer dans des perspectives politiques et philosophiques.

Deuxième table ronde : Le rôle des sciences modernes dans l’effondrement - Sciences, dominations et capitalisme (Partie II)

Ce sont Bénédicte Monville (écologiste, PEPS), Martin Pigeon (Fern) et Thomas Borrel (Atelier Paysan) qui ont pu prendre la parole pour cette deuxième partie.

Enseignant originaire de la Martinique, elle connaît le racisme, les dominations masculines, mais aussi et surtout le rôle de la science dans les rapports de domination. Elle a souhaité illustrer la relation science / capitalisme avec la chlordécone et son impact sur les Antilles. Malgré la toxicité connue du composé, il va être utilisé jusqu’en 1993 aux Antilles grâce à une dérogation, condamnant ainsi la population et les terres à l'empoisonnement.

Martin Pigeon a critiqué le rôle du lobbying industriel dans la recherche publique, dénonçant son influence sur les politiques de recherche au détriment de l'indépendance scientifique. Il a aussi souligné que les industriels, voyant la science à la fois comme un atout et une menace, manipulent parfois les connaissances pour empêcher des régulations leur étant défavorables. Cette influence, omniprésente dans les institutions européennes, oriente la recherche vers des objectifs privés, souvent financés par les États.

Thomas Borrell est venu souligner les dérives du "solutionnisme technologique" en agriculture. Il a retracé l’histoire de l’agriculture moderne, façonnée par les intérêts industriels et militaires au détriment des savoir-faire paysans, notamment depuis la reconversion des industries de guerre en producteurs d’engrais et de machines agricoles. Pour lui, cette orientation vers la technologie incite à adhérer au modèle de l’agriculture intensive, malgré ses effets néfastes sur le climat. Il souhaite promouvoir une alternative viable contrairement au modèle industriel dominant.

Conclusion de la journée

Cette journée riche en interactions a permis d’obtenir de multiples points de vue sur la science dans la société. Grâce aux deux tables rondes, le rôle de la science dans la domination a été pointé. Mais il a aussi été vu qu’elle peut aider à sortir de ce système.

Article rédigé par Isaora Bacquet, service civique à La Madre